Natalia m'a invitée il y a quelques jours à réaliser une colombe pour Pâques. Une colombe ? Farcie aux pruneaux ? Sans même prendre le temps de réfléchir, j'ai immédiatement dit oui. C'est là mon plus grand problème : je réfléchis toujours trop tard ! Heureusement, pour tout ce qui est culinaire, les dommages sont quand même relativement restreints... aux portes de ma cuisine ! D'être impulsive a cependant de sérieux avantages : avant la proposition de Natalia, je ne doutais pas de l'existence de cette tradition italienne. Et voyez-vous, on se sent tout d'un coup moins bête quand on apprend quelque chose. Si, si. Je vois les sourires amusés "Rho l'autre avec cette tautologie, cette lapalissade à même pas 2 roubles". Eh, vous connaissez vous la tradition de la colombe pascale ? Avec ou sans les petits pois ? Hein ? ;-) !
Meuh non, je ne suis pas si vache ! Une colombe pascale est une brioche que l'on s'offre en Italie le jour de Pâques. Cette Colomba di Pasqua est le gourmand mixte entre un Panettone et un Pandoro avec sur son sommet, un délicieux glaçage aux amandes et au sucre. Il y a autant de recettes que d'Italiens je présume, difficile de s'y retrouver pour une débutante. Natalia m'a heureusement envoyé la recette qui devait servir de base à l'expérience. Mais pour la forme, je n'en ai fait qu'à ma tête (de linotte). Pareil pour le glaçage d'ailleurs.
Que Natalia me pardonne, j'ai un jour de retard dans la publication de ladite colombe (aïe, ne tape pas si fort). A croire que ma vie est un roman, en tout cas, réaliser cette colombe fut une vraie aventure ! Commençons par la fin, parce que je commence toujours mes lectures par la fin (oui, ce n'est pas très malin question suspens, mais je me soigne).
Hier soir, j'ai vu la colombe pascale de
Rosa et j'ai été littéralement bluffée : quelle beauté ! J'en étais sans voix. De son côté, Elra qui est une vraie perfectionniste a présenté deux magnifiques colombes : je ne leur trouve aucun défaut ni à
la première, ni à
la deuxième, pourtant Elra n'avait pas l'air très heureuse de ses productions. Et là, j'ai commencé à paniquer et à douter de ma création... Finalement, j'aurais mieux fait de la faire aux petits pois, ma colombe ;-) ! Ou de me lancer dans la robinetterie. Oui, y a un robinet qui fuit à la cuisine. Inexorablement. Le réparer aurait eu plus de sens. J'ai cependant poursuivi ma visite gourmande en allant voir la colombe de
Cindystar (superbe, je découvrais son site en plus, wouah) et celle de
Lien (magnifique également, à croquer). J'étais cependant toujours plus sceptique concernant mon oeuvre.
Zorra m'a un peu consolée (bien malgré elle) quand j'ai lu qu'elle avait failli dans sa production : je ne me réjouis pas de ton échec, Zorra, bien au contraire. Mais je me suis sentie soudain moins seule !
Natalia a même réussi à me faire sourire quand elle cherche à savoir qui s'est assis sur sa colombe (moi peut-être ? ;-) ). Même raplapla, elle est splendide.
Bref, je fais savoir à l'humanité toute entière (ou au lecteur égaré ici, c'est déjà pas mal) que j'abandonne la pâtisserie et me lance dans le macramé. Voilà, ça c'est fait. Ok, tout le monde s'en fiche. Je vais mettre mon problème d'orgueil dans la poche et vous la présenter, cette fameuse bestiole. Quelque part, je n'y serais pas obligée, ma participation n'avait rien d'officiel : j'avais avoué à Natalia que je ne disposais pas de moule à colombe. Et elle a dû se dire que pour se lancer dans une recette traditionnelle, c'était plutôt mal barré. Sur Internet, on trouve de tout, le mieux et le pire. Evidemment que j'ai trouvé deux moules à colombes en papier, tout beaux, tout parfaits. Il n'étaient pas chers du tout en plus ! Retour sur terre douloureux : 20 euros de frais de port et une réception pour les prochaines calendes grecques. Tout ça réveille l'imagination et laisse place à l'improvisation : parce que dans ma cuisine, c'est moi
le boss, j'ai tout réinventé, explosé les traditions, reconceptualisé les recettes. Ce qui donne ça. Sans les petits pois ! Ma foi, c'est très bon quand même.

Cette colombe est un monstre : elle est énorme de partout (épaisse, haute, large, longue), les proportions de cette colombe gironde ne passent pas sur la photo, je n'allais pas photographier un rouleau à pâtisserie ou une chaussette à côté pour essayer de vous montrer à quel point cet oiseau est grand (s'il volait, un battement d'ailes suffirait à provoquer une rafale de vent). Il rentre dans le four en tout cas ! Et je vous montre un heureux :
Elvis ne mange pas n'importe quoi : il déguste uniquement mes gâteaux et mes bouquets de fleurs (et mes plantes vertes aussi). Il me fait penser au poème de Maurice Carême qui s'appelle Mon Petit Chat :
J'ai un petit chat, Petit comme ça. Je l'appelle Orange. Je ne sais pourquoi Jamais il ne mange Ni souris ni rat. C'est un chat étrange Aimant le nougat Et le chocolat. Mais c'est pour cela, Dit tante Solange, Qu'il ne grandit pas.
Bon, le mien, il n'est pas si petit, mais c'est vrai qu'il ne grandit plus... sauf du ventre.
Le passe-temps favori d'Elvis consiste à se planquer derrière la fenêtre et à émettre de puissants rugissements pour effrayer les tourterelles qui... tombent par terre, mortes de rire. Elvis est un chat castré et a une voix toute douce, toute menue et son profond cri félin ressemble à une espèce de couinement de canard enrhumé. La terreur du quartier, c'est lui. Alors, quand il a vu ma colombe, il a eu à peu près cette tête-là, s'est étiré et est retourné dormir (épuisé par tant de boulot passé, présent et à venir).

Pour la recette, j'ai inventé quelque chose qui n'est pas mal du tout. Dans un vrai moule avec un glaçage coulant, ça doit être quelque chose. Voilà ma recette d'apprentie fabricante de colombes :
Réaliser un levain avec 20 g. de levure fraîche, 35 g. d'eau tempérée et 50 g. de farine. Recouvrir de 500 g. de farine. Faire lever près du radiateur 30 minutes environ.
Ajouter 60 g. de sucre, une pincée de sel, 140 g. d'oeuf (ce qui équivaut à 3 oeufs environ) tempéré, 160 ml de lait à 22° C, 200 g. de beurre pommade. Pétrir 20 minutes. Rectifier la tenue de la pâte avec de la farine : la pâte doit se décoller des parois sans être trop sèche. Ajouter 100 g. d'orangeade et continuer de pétrir encore 5 minutes. Faire lever 2 heures près du radiateur (la pâte doit être couverte d'un film : elle doit suer et ne surtout pas s'assécher).
Travailler la pâte pour obtenir une forme de colombe. A ce sujet, je vous conseille d'aller faire un tour sur le site de Manue qui explique très bien comment réaliser une très jolie Colomba di Pasqua sans moule. C'est rigolo de constater que ce que l'on croit être une idée unique et géniale existait déjà bien avant que nos petits neurones n'aient pondu ce qu'ils sont persuadés être une réelle invention !
Bref, refaire pousser la bête au moins 4 heures près du radiateur, couverte d'un film. Badigeonner de jaune d'oeuf et décorer d'amandes effilées et de grains de sucre. Enfourner 30 minutes en chaleur tournante à 180° C en surveillant la cuisson (si la dorure devient trop colorée, baisser à 170° C, voire à 160° C).