dimanche 30 août 2009

Casserole ou gamelle ?

Pas de recette dans cet article consacré à mon passage dans un étoilé strasbourgeois. Pas d’éloges dithyrambiques, plutôt une logorrhée de reproches comme autant d’insupportables gargouillis de la part d’un estomac endolori.

En devenant maman, les sorties au restaurant se sont faites plus rares, plus précieuses donc. Exit les aventures dans des bouibouis improbables, place à la soirée tout confort. Après s’être garantie de remettre bébé dans des mains de confiance, il ne restait plus qu’à trouver une bonne table pour picorer des mets fins. Au mois d’août, l’exploit relève plutôt de la gageure. Motivée jusqu’au bout des canines, je ne me suis pas découragée par tous les congés annuels. Ce dîner n’apparaissait pas sous de très bons augures, mais après tout je ne connais rien aux oiseaux et autres horoscopes. Vaille que vaille, j’ai choisi de confier mes papilles à la Casserole, une étoile au Guide Michelin.

Arrivée l’estomac dans les talons aiguilles de mes jolies chaussures, gaie comme un pinson à l’idée de me gourmander, le postérieur vissé sur un support moelleux, dans un étoilé en plus, j’étais dans les meilleures dispositions d’esprit possibles.

Le restaurant se situe dans une ruelle du vieux Strasbourg, sa décoration y est sobre, contemporaine, pas du tout folklorique. Comment dire, je m’y suis sentie chez moi immédiatement. Je retrouvais le tableau de mon salon et le luminaire de ma chambre à coucher. Signe que les gourmets se rencontrent chez un même fournisseur suédois.

Hiatus cependant : mes voisins de table. Le restaurateur n’y est en principe pour rien. J’écris bien en principe, soupçonnant a fortiori un acharnement du cuisinier sur ma personne. Qui n’a jamais vécu une dégustation contrariée en raison des commentaires bruyants d’un voisin de table peu amène ? Qui n’a jamais été poussé à bout au point de vouloir souhaiter exhiber ostensiblement un manuel de savoir vivre commis par Nadine de Rotschild ? Cette canaille de voisine de table soudainement devenue proche par le simple effet du hasard menaçait sérieusement ma soirée. Ouvrir ses chakras peut être efficace dans ce genre de situation, mais le bricolage n’est pas mon fort. Quoiqu’il en soit, le contenu de la carte me mettait l’eau à la bouche et j’arrivais par intermittence à négliger un plan de table désastreux.

J’ai fait la gourmande et ai opté pour un menu dégustation composé de sept plats format dinette. Roulement de tambour. Ouverture des rideaux. Petit retour sur le modus operandi de mes douleurs stomacales du jour.

En guise d'introduction : coupe de champagne accompagnée de gaspacho à la tomate et au citron vert, sucette de tomate cerise au sésame noir et une bouchée de tomates à la mozzarella. Peu ou pas de goût, l’ensemble était cependant fort joli à regarder. Vive l’agar agar.

Premier acte : filet d’anguille fumée accompagnée d’un cube de gelée de concombre. Encore de l’algue ? Je cuisine souvent à l’agar agar qui est plus sain et n’a pas de goût contrairement à la gélatine, sa cousine. Avoir des ronds et des carrés dans l’assiette c’est sympa, à condition que cela ait un sens. Un cube de jus de concombre pour accompagné de l’anguille fumé, ça ne m’a pas semblé probant. Cela faisait trop d’agar agar d’un coup, à l’emploi finalement pas opportun. L’anguille fumée était elle délicieuse. Je n’aurais pas imaginé que ce poisson un peu lourdingue pouvait être aussi raffiné. La suite s’annonçait enthousiasmante.

Deuxième acte : raviole de cuisses de grenouilles farcies à l’ail avec des trompettes de la mort. Il s’agissait du plat le plus inventif et le plus abouti de tout le menu. Parce qu’attendre des mois pour une soirée ratée dans un bon restaurant ne me rendra pas injuste pour autant, je soulignerai combien ce plat était vraiment délicieux, avec le filet d’anguille fumée, c’étaient les béquilles du repas. Ma voisine de table qui a consommé peu ou prou la même chose que moi a partagé mon point de vue en se perdant dans une diatribe de superlatifs à épuiser le dictionnaire. Plus humblement, je résumerai ainsi : la grenouille était superbe, les trompettes de la mort savoureuses, l’ail jamais écœurant, une perfection.

Troisième acte : dos de rouget aux spaghettis de courgette crus et coriandre fraîche. Aïe. Malheureux morceau de rouget mi-cuit, qui à l’image d’un papier absorbant, rendait le gras de sa cuisson sur un lit de courgettes coupées en fils très fin, dont l’arôme si fugace était englouti par celui d’une coriandre au mieux de sa forme. Qui trop embrasse mal étreint dit le dicton. Ici, trop de saveurs s’annulaient les unes les autres dans un bain huileux. On oublie.

Quatrième acte : escalope de foie de canard poilé sur melon d’eau confit. Emploi farfelu des arômes. Le sel était bien présent pour relever le goût du foie, mais pour ce qui concerne l’effet sucré salé, quelle déception. Le melon d’eau n’avait aucun goût. Du sucre, et encore. La couleur blafarde du confit donnait le ton. On zappe.

Cinquième acte : cuisse de pigeonneau accompagné d’artichauts grillés et de quelques girolles. Bien qu’il m’ait été permis de choisir la cuisson de ma bestiole, quelle amère déception. La cuisse de pigeonneau était à désosser. Cela vous fait rire ? Jongler avec les nonos d’une bestiole, ça n’amuse que le rince-doigts, lyophilisé et reconstitué avec force spectacle. Ma voisine de banquette était épatée. Moi, atterrée. Les réelles et significatives expériences de cuisine moléculaire semblaient bien loin.

Intermède : petit plat de mignardises en attendant la poursuite des réjouissances, autrement dit l’arrivée des desserts. Le macaron pistache ne cassait pas des briques, le financier à la framboise était correct, la crème au chocolat lourdingue, mais la pana cota à la mangue parfaite.

Sixième acte : mille-feuille de feuilles de brick au caramel épicé parfumé à la vanille de Madagascar. Matières grasses en excès. Quand je sors, je ne fais pas attention à ce que je mange, ne cherchant que mon plaisir immédiat. Par contre, je me précipite pas sur des plats que je sais ne pas être physiquement en mesure de digérer. Sur le papier, pas de danger apparent. Or ce dessert était une bombe lipidique qui n’avait que le goût du beurre, du rance presque, à aucun moment celui de la vanille dans toute son exubérance et toute sa suavité.

Septième acte : mirabelles poêlées au romarin. Le romarin frais a littéralement escamoté le parfum des mirabelles caramélisées, c’était tellement dommage ce manque d’équilibre entre la douceur sucrée des mirabelles compotées rapidement et la verdeur d’un brin de romarin fraîchement coupé. Sur le papier, le mélange tient, dans la bouche, l’union dessert autant l’un que l’autre.

Pour finir d’achever votre taux de cholestérol, une tuile au poivre de Sichuan : les grains de poivre masquaient toute autre subtilité du gâteau.

Pas de café pour se rincer le gosier. Un rapide saut aux toilettes m’a fait longer les cuisines. Une de ces cafetières sponsorisées par George Clooney trônait fièrement sur le zinc. Quel dommage de miser davantage sur un rince doigt lyophilisé que sur un choix de grains particulier, une mixture, une torréfaction, une machine, un petit truc en plus quoi. Qu’on ne trouve pas chez soi.

Qu’auriez-vous choisi comme boisson avec tous ces plats ? Aucun vin n’aurait su tenir la distance, et le choix de vins au verre était trop restreint. Dommage que pour une poignée d’euros de plus, les verres n’aient pas été accordés aux mets, prestation classique pour ce type de menu. J’ai opté pour le champagne quand ma chère voisine s’extasiait sur un vin du Languedoc. Tous les goûts sont dans la nature mais ce n’est pas vouloir rendre grand hommage à sa cuisine que de ne pas la mettre en valeur par des conseils de professionnel.

A ceux qui vont prétendre que je suis méchante, je leur répondrai qu’à ce prix-là, le client est en droit d’attendre une prestation de qualité. Ce que j’ai ingéré ce soir-là n’était pas à la hauteur de mes espérances. Une étoile au Guide Michelin vous oblige à toussoter quelque peu quand le travail n’est pas à la hauteur. Une étoile, ça n’est pas rien. Ma soirée a été gâchée et je déconseille au quidam cette adresse. Allez plutôt ici, c’est original, beau, vraiment bon. Je ne les remercierai jamais assez pour l’excellent repas de mariage qu’ils nous ont servi. Un régal.

En résumé, des pépites se dissimulaient tout au long de ce repas très inégal, construit de manière bancale, sans réelle prouesse de style, sans volonté de démonstration. On était dans de l’épure, dans du retour à l’authentique ou dans de la tendance, difficile à dire. Le service était correct. Les assiettes (très jolies au demeurant ces plaques d’ardoise ou ces gouttes d’eau stylisées assorties aux verres de chez Hermès) brillaient excessivement. Les prix étaient injustifiés et j’ai eu honte d’avoir tant dépensé pour ça. Mais cela paiera des serveurs dynamiques et plutôt sympathiques et d’autres investissements chez le viking qui lui, se débrouille finalement pas si mal quand il propose ses fameuses boulettes de renne. A bon entendeur…

5 commentaires:

Marion a dit…

J'aime le ton de ton billet ;) On se rend compte de l'ambiance... merci pour cette critique qui ne pourra qu'être utile en cas d'envie de resto!

Rosa's Yummy Yums a dit…

Dommage... Quelle ambiance!

Bises et bon début de semaine,

Rosa

qmmf a dit…

merci pour partager ce moment, mauvais en soit, mais qui nous apprendra à pas aller faire un tous là bas!

natalia a dit…

Ciao Miettes !! Very interesting !! I miss you !!

perline67 a dit…

j'ai été dans ce restaurant pour le repas de noël de l'entreprise pour laquelle je travaillais et j'étais terriblement déçue!!! je n'ai pas du tout apprécié le repas.